AVC après un IDM : la question de la thrombolyse se pose !

JIM Publié le 23/10/2019

Dans la série des malheurs qui surviennent en groupe, voici le cas du patient qui, victime d’un infarctus du myocarde (IDM) récent, va enchaîner avec la survenue d’un accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique aigu. En toute rigueur, ce dernier justifie une thrombolyse IV (TIV) par le r-tPA (intravenous tissue-type plasminogen activator), si ce n’est une thrombectomie mécanique selon la topographie des lésions artérielles et l’étendue des dégâts neurologiques. L’angioplastie primaire percutanée qui nécessite en règle une bithérapie antiplaquettaire vient quelque peu compliquer le contexte clinique en interférant avec la TIV ou les autres traitements de l’AVC.

La stratégie thérapeutique optimale est d’ailleurs l’objet d’un débat bien illustré par une étude récemment publiée dans Stroke. Il s’agit d’un travail rétrospectif, en l’occurrence une série de cas colligés dans deux hôpitaux tertiaires, complétée par d’autres cas recueillis dans la littérature internationale. Tous les patients avaient été victimes d’un infarctus du myocarde (IDM)  avec ou sans sus-décalage du segment ST au cours des trois mois précédant la survenue d’un AVC ischémique. Ils ont été répartis en deux groupes, selon que la prise en charge de ce dernier a inclus ou non une TIV au moyen de doses standards de r-tPA. La comparaison entre ces groupes a porté sur la survenue éventuelle des complications cardiaques suivantes : rupture ou tamponnade cardiaque, embolie périphérique avec pour point de départ un thrombus intracardiaque ou encore arythmies ventriculaires mettant en jeu le pronostic vital.

Prudence quand le délai entre les deux accidents vasculaires n’excède pas une semaine

Au total, 102 observations ont été incluses dans l’analyse dont 46 (45,1 %) en provenance de la littérature médicale. L’âge médian des patients le plus souvent des hommes (67,6 %) a été estimé à 64 ans (écart interquartile,  53-75). Dans le groupe traité par TIV, la proportion d’IDM concomitants de l’AVC était plus élevée, soit 53,2 % versus  21,8 % dans l’autre groupe (p=0,002). En revanche, la proportion d’IDM concomitants avec sus-décalage ST était voisine dans les 2 groupes (48,9 % vs 65,5 % ; p=0,110).

Quatre patients (8,5 %) sont décédés d’une rupture ou d’une tamponnade cardiaque dans le groupe traité par TIV, avec dans tous les cas un IDM avec sus-décalage du segment ST au cours de la semaine ayant précédé l’AVC.  Cette complication majeure n’a concerné qu’un seul patient (1,8 %) du groupe non traité, la différence intergroupe n’étant cependant pas significative (p = 0,178) du simple fait de la faiblesse des effectifs comparés. La fréquence des autres complications s’est avérée identique dans les deux groupes, qu’il s’agisse des embolies à point de départ cardiaque (2,1 % versus 2,0 %) ou encore des arythmies ventriculaires potentiellement létales (6,4 % vs 12,7 % ; NS). Les IDM sans sus-décalage du segment ST n’ont été associés à aucune complication y compris dans le groupe traité.

La survenue d’un AVC ischémique dans les suites ou à l’occasion d’un IDM récent semble exceptionnelle. La stratégie thérapeutique doit tenir compte du délai écoulé entre les deux évènements vasculaires : la TIV serait à considérer avec réserve et précaution quand le délai n’excède pas une semaine, mais il ne s’agit là que d’une hypothèse pour deux raisons principales : la faiblesse des effectifs et la rareté des évènements en question, d’une part, un biais de publication probable pour ce qui est des cas sélectionnés dans la littérature internationale.

Dr Philippe Tellier

RÉFÉRENCE

Marto JP et coll. : Intravenous Thrombolysis for Acute Ischemic Stroke After Recent Myocardial Infarction: Case Series and Systematic Review. Stroke. 2019 ; 50(10): 2813-2818. doi: 10.1161/STROKEAHA.119.025630.